Mais avant d'en parler, quelques mots à propos de Fernando Montiel Klint.
Les actes de foi de Fernando Montiel Klint
Voici comment ce photographe mexicain décrit son travail au sujet d'une série intitulée "Acts of faith", Actes de foi :
"La société à laquelle nous sommes parvenus atomise et isole l’individu, codépendants de la technologie en tant qu’êtres individualistes et consommateurs que nous sommes, engouffrés dans une quête presque ethérée du plaisir total, où nous cessons de nous reconnaître et de nous connaître de manière organique. L'interaction a été supplantée par une simulation virtuelle dans laquelle l’introspection et la recherche de l’être, du “je” intérieur et de sa liberté animique sont réduites à une peau de chagrin.
Que signifie ici précisément le sens du mot “foi” ? Je m'intéresse à l'exploration de l’acte de foi dans la vie contemporaine sans lien avec la religion. Je recrée ma libération mentale grâce à des mises en scène et des actions qui sont captées par l'appareil photo, dans lesquelles j'invente d’artificieuses réalités faites d’atmosphères absurdes,à la recherche de l’introspection.
L’introspection est aussi un chemin de lumière vers la contemplation et la libération individuelle. Ce sont des moments d'inspiration lors desquels l’infini m’apparaît comme une révélation, en un zénith mental. Ce qui n'a pas de fin, ce qui est essentiel dépasse le monde d'ici-bas; la foi remplace la logique et se transforme en un acte éternel et circulaire."
Fernando Montiel Klint
Bon, je vous l'accorde, dit comme ça ce n'est pas forcément limpide mais le résultat est vraiment intéressant avec un travail de réflexion sur la mise en scène et des lumières très soignées. Jugez plutôt :
Fernando Montiel Klint - "Act of faith" de la série Acts of faith |
Fernando Montiel Klint - "Azur" de la série Acts of Faith |
"Quelle heure est-elle ?" de Chris Marker
Venons en à Chris Marker. Je vous disais que je ne connaissais pas son travail, je dois ajouter que pour avoir lu certaines critiques plutôt négatives au sujet de cette rétrospective je n'étais pas forcément très enthousiaste lors de cette visite. Et puis finalement j'ai décidé de ne pas (trop) me laisser influencer par l'avis des autres et de juger par moi-même. Et je dois dire que j'ai été surpris et intéressé, notamment par deux séries de photos.
QUELLE HEURE EST-ELLE ?
"The apparition of the faces in the crowd
Petals on a wet, black bough
(L’apparition de ces visages dans la foule / des pétales sur une branche noire humide)
Ce court poème d’Ezra Pound, inoubliable, était ma première idée pour l’exergue d’une autre de mes expositions photographiques, STARING BACK. Puis j’ai décidé de me passer de l’exergue. C’est trop facile de se servir d’un grand poète comme gilet pare-balles métaphorique, me suis-je dit. Notez que je n'ai pas fait part à que ce soit de cette idée réprimée. Puis les premières critiques sont parues. Un article de Brian Dillon dans Art Review commençait ainsi “L’apparition de ces visages dans la foule / des pétales sur une branche noire humide”, avant de développer l’idée de la parenté entre ces vers et l'ambiance de mes photographies. Je fus abasourdi. C'était donc vrai, après tout : la poésie existe bel et bien, elle emprunte d'autres voies que le monde matériel, elle permet de voir ce qui était auparavant caché et d’entendre ce qui était auparavant silencieux. Depuis toujours, j’étais convaincu que dans mes courts essais, la part de non dit était plus significative que le bavardage, et voilà que j'en avais la preuve éclatante. Cette fois-ci donc, je ne reculerai pas devant la citation de Pound : d'ailleurs. je la trouve encore plus pertinente par rapport à cette nouvelle expérience dans le métro parisien. Les pétales représentent indéniablement ces visages que je capture tel un paparazzo bienveillant. Portraits volés, oui, mais en passant à travers le miroir, le vol devient ici une offrande. La presse à scandale aime a surprendre des gens (de préférence connus) alors qu’ils ne attendent pas et arborent si possible une expression gênante ou ridicule : des gestes qui surviennent de manière mécanique, sans intention réelle de la part du sujet. Lorsque j’étais enfant, le président Poincaré avait visité un cimetière de la Première Guerre mondiale sous un soleil de plomb, et la lumière violente avait lait apparaître sur son visage, durant un dixième de seconde, un rictus qu'on pouvait interpréter comme un sourire. Un photographe capture cet instant et, pour le restant de sa carrière, il se fit traiter “d’homme qui rit dans les cimetières” par ses opposants de droite. Peut-être ce souvenir d’enfance a-t-il contribué à développer ma curiosité méfiante envers les images. Ainsi, il est peu surprenant que mon objectif en collectionnant ces “pétales”, soit exactement à l’opposé de celui de la presse à scandale. J’essaie de les restituer sous leur meilleur jour, souvent imperceptible dans le flux du temps, parfois 1/50e de seconde grâce auquel ils se montrent plus vrais à leur moi profond. J'ai commencé l'expérience avec un appareil dissimulé dans une montre -d’où le titre QUELLE HEURE EST-ELLE ?- avant de recourir à des trucs, mais j'ai conservé le titre, pour mon amusement personnel, et aussi parce que l’instant volé du visage d'une femme révèle quelque chose à propos du Temps lui-même... Mais ça, c’est une autre histoire... Ah. et j'allais oublier, à propos du poème de Pound : il a été écrit à Paris et s'intitule “Dans une station de métro”."
Chris Marker
Chris Marker - Quelle heure est-elle ? |
Chris Marker - Passengers |
Pour finir notre soirée était consacrée au film "Waste Land" qui a pour sujet le travail de Vik Muniz consacré aux "catador", ces centaines de personnes qui trient les déchets dans la plus grande décharge du monde : à Rio. Remarquable, vraiment.
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