L'exposition, très complète et très intéressante est organisée autour de six thèmes : apparaître, expérimenter, diffuser, documenter, voyager, peindre et dessiner.
Un regret : le catalogue de l'expo ne reprend pas les textes très intéressants qui accompagnent les images et les différentes salles.
Le calotype, c'est quoi ?
"Le calotype est le terme qui désigne le négatif sur papier et son tirage, technique mise au point par l’anglais William Henry Fox Talbot (1800-1877) dès 1840, presque en même temps qu’apparaît en France le daguerréotype de Daguerre. Le calotype, par la possibilité qu’il offre de multiplier les tirages à partir d’un négatif, porte en lui l’avenir de la photographie. Il se fait connaître lentement en France à partir de 1843. Mais c’est surtout entre les années 1848 et 1860 que le calotype connaît une fortune extraordinaire et d’autant plus étonnante que ce ne sera jamais un procédé commercial. La possibilité alors nouvelle de réaliser des tirages sur papier, de varier leurs teintes, de les retoucher intéresse particulièrement les peintres, les archéologues, les voyageurs, les éditeurs. De très grands photographes : Gustave Le Gray, Charles Nègre, Edouard Baldus, Henri le Secq par exemple, démontrent rapidement les possibilités esthétiques de ce procédé et entraînent à leur suite nombre d’artistes (Delacroix, Hugo, Bartholdi) ainsi que la fine fleur du monde des affaires (Aguado, Delessert, Odier), de la politique (Périer, Bassano, d’Haussonville, Bocher) qui durant quelques années deviennent des amateurs passionnés par cette nouvelle technique. L’apport esthétique du calotype dans les années 1850 est considérable, son influence sur l’art, l’architecture et l’archéologie également. C’est grâce à lui que la photographie considérée auparavant comme un objet scientifique ou commercial est acceptée définitivement par les élites intellectuelles et artistiques. En quelques 180 tirages issus des collections de la BnF et de grandes collections françaises, cette exposition propose de comprendre cette histoire, ses acteurs et les œuvres qu’ils ont produites."
Probablement une de mes images préférées de l'expo, il s'agit d'un autoportrait de Bayard dans son jardin.
Ici il s'agit de photos d'Eugène Durieu prises pour Delacroix qui s'en servait comme modèle, notamment lors de ses voyages.
"Eugène Durieu (1800-1874) - Modèles nus posant pour Eugène Delacroix.
Durieu a réalisé pour et en la présence de Delacroix, une série de calotypes représentant des modèles, masculins et féminins, nus. Delacroix, comme l'attestent ses dessins, s'est servi souvent de ces photographies pour dessiner, en particulier lorsqu'il se trouvait en voyage et ne pouvait avoir recours à des modèles vivants."
Premier thème : Apparaître
Le calotype – le terme, forgé en 1841 par l’inventeur anglais de la photographie, William Henry Fox Talbot, signifie « belle image » et désigne les négatifs sur papier et les tirages qui en sont issus , avec son léger flou dû à de longs temps de pose, ses tirages aux teintes variées et ses retouches, a la force de la gravure et du dessin. Pratiqué par des artistes (peintres, graveurs, sculpteurs, architectes), des archéologues, de grands voyageurs, de purs amateurs le plus souvent aristocrates fortunés (banquiers, industriels, propriétaires de grands domaines agricoles, fils de famille, etc.), il a produit une grande partie des chefs-d’œuvre de la photographie du XIXème siècle, comme Le Styrge de Charles Nègre ou Les Remparts d’Avignon d’Édouard Denis Baldus.
Les premières photographies sur papier apparaissent en France en 1843 et cette technique y sera pratiquée jusque dans les années 1860. Elle est concurrencée à la fois par le daguerréotype, positif direct sur plaque de cuivre argentée, apparu en 1839, et par le négatif sur verre, mis au point en 1851, techniques qui auront les faveurs des photographes professionnels.
Les calotypistes français, ou ayant pratiqué en France, sont à peine quelques centaines : on peut citer parmi eux Gustave Le Gray, Henri Le Secq, Hippolyte Bayard, Maxime Du Camp, Charles Marville, Eugène Delacroix, Louis Adolphe Humbert de Molard, Victor Regnault, Auguste Bartholdi, Benjamin et Édouard Delessert, le vicomte Vigier, etc.
Deuxième thème : Expérimenter
Le calotype, tel que tente de le diffuser Talbot en France en 1843, est loin d'être parfait. Ses temps de pose longs, sa manipulation hasardeuse, la réaction imprévisible des papiers utilisés rendent les résultats incertains et la réussite rare. Contrairement au daguerréotype qui jouit dès 1839 des améliorations des amateurs qui s'en emparent, le calotype, du fait du brevet de Talbot, bénéficie de peu d'améliorations jusqu'aux publications de Blanquart-Évrard en 1847.
Libérant la pratique du négatif papier des obligations du brevet de Talbot, cet "acte de piraterie", selon les termes de Talbot lui-même, a pour résultat essentiel de permettre le perfectionnement du calotype. À une époque où la photographie en est à ses balbutiements, l'expérimentation du procédé devient intrinsèquement liée à une pratique encore totalement artisanale : le photographe doit se faire chimiste, opticien, préparateur, laborantin et opérateur. Alors que Paris et les Parisiens semblent acquis au daguerréotype, de nombreux amateurs partis loin de la capitale s'emploient à améliorer la préparation des négatifs papier, tentent d'en parfaire la sensibilité et s'essayent alors aux sujets les plus divers : les autoportraits de Bayard ou de Marville, les scènes de rue de Le Secq ou de Nègre, une place de village photographiée par Humbert de Molard, une table de toilette par Le Gray sont autant d'images exécutées pour les besoins de l'expérience et qui tentent toutes de répondre à une même question : comment faire du calotype le médium de la sensibilité photographique ?
Echangées, rassemblées en album, collées dans des ouvrages, ces images sont le témoin d'une époque héroïque durant laquelle pratique du négatif papier recel toutes les promesses d'un nouvel outil.
Troisième thème : Diffuser
Ce que le calotype inaugure essentiellement en 1841, c'est la possibilité donnée à la photographie, grâce au négatif, de multiplier les images, cette qualité qui deviendra celle de la photographie moderne : la reproductibilité. Même si la photographie ne s'imprime pas encore directement dans les livres ou les journaux conjointement au texte, par le tirage multiple elle offre la possibilité de l'échange, de la sociabilité et de la diffusion de l'image, fédérant autour d'elle des photographes et des amateurs qui se regroupent au sein d'associations comme la Société Héliographique en 1851. Cette dernière, qui prend le parti du négatif papier, par l'émulation qu'elle suscite, encourage la création de l'imprimerie photographique que Blanquart-Évard installe à Lille la même année. Rationalisant la production des tirages positifs qui permet de passer à une échelle de production préindustrielle, Blanquart-Évrard pense la division du travail photographique en laissant aux photographes et aux amateurs, parfois anonymes, le soin d'exécuter les négatifs.
L'imprimerie photographique rend possible la production et la diffusion d'albums monumentaux comme "Egypte, Palestine et Syrie et Nubie" de Maxime Du Camp suscite des séries documentaires avec des photographes comme Charles Marville, mais elle révèle également tout un pan d'une production invisible jusqu'alors, hors des cercles photographiques et qui, rassemblée en albums pour artistes et amateurs d'art, signe une vision éclairée de la photographie.
A la suite de Blanquart-Évrard, de nombreuses entreprises individuelles, comme celle de Benjamin Delessert sur l'oeuvre de Marc-Antoine Raimondi, ou plus commerciales comme celles d'Eugène Piot avec son "Italie Monumentale" ou des frères Varin sur Reims, tentent elles aussi d'imposer par la diffusion cette nouvelle culture photographique.
Quatrième thème : Documenter
C'est avec le calotype que la qualité primordiale de la photographie, sa fidélité dans l'enregistrement de la réalité, prend véritablement son essor. Pouvoir de disposer de documents fiables et multipliables ouvre des perspectives nouvelles aux sciences en plein essor que sont au milieu du XIXème siècle l'archélogie et l'histoire de l'architecture. La Commission des monuments historiques envoie en 1851 cinq photographes, Le Gray, Mestral, Le Secq, Bayard et Baldus faire un inventaire des richesses monumentales de la France : c'est la mmission Héliographique. D'autres photographes, amateurs ou plus spécialisés suivent cet exemple et fournissent aux savants, aux architectes, aux peintres, aux épigraphistes, aux curieux de pittoresque enfin, des planches admirables belles et précises.
J-B. Greene, égyptologue et photographe amateur, documente des chantiers de fouilles en Egypte et en Algérie en 1854/1856, tandis que Louis de Clercq accompagne l'archéologue Guillaume Rey en Syrie pour photographier les châteaux des Croisés.
Mais le négatif sur papier, léger et solide, permet également de préfigurer le reportage, même si la relative lenteur de son temps de pose ne permet pas tous les sujets : Baldus photographie les inondations du Rhône en 1856, Langlois et Méhédin la guerre de Crimée en 1855/1856, Le Gray les destructions de Palerme en 1860.
Cette application de la photographie à la documentation est explorée par des auteurs de grand talent, dotés souvent d'une solide formation artistique : ainsi leurs épreuves allient-elles le soin de la composition et du tirage à la fidélité dans la représentation d'ensemble ou de détails.
Cinquième Thème : Voyager
Les calotypistes voyagent beaucoup et bien souvent pour leur plaisir. Ils ont de la fortune, des loisirs et du goût. Ils ont ainsi l'occasion de pratiquer la photographie dans les Pyrénées, en Italie, en Espagne, en Orient, partout où la mode du jour pousse les aventureux ou les hommes du monde, avec ce nouveau procédé beaucoup plus pratique et léger que le daguerréotype ou le négatif sur verre fragile et lourd. Le négatif sur papier ciré sec mis au point par Le Gray en 1851, permet en outre de préparer les négatifs à l'avance et donc de prendre plus d'images, puisqu'il n'est plus nécessaire de sensibiliser le négatif juste avant la prise de vue.
Aussi, l'engouement pour le calotype dans les années 1850, a-t-il produit un grand nombre d'admirables ensembles souvent rassemblés ensuite en albums.
Delessert, Vigier, Pécarrère et Du Camp sont parmi les amateurs les plus célébrés en leur temps pour les images qu'ils rapportent : monuments, détails d'architecture, paysages types pittoresques, végétaux exotiques.
Des éditeurs comme Blanquart-Évrard perpétuent la tradition des albums de lithographies romantiques en publiant ces voyages photographiques ou en en commandant a des photographes plus professionnels comme à Charles Marville "Les bords du Rhin". Des artistes en voyage comme Auguste Bartholdi demandent aussi à la photographie de compléter leurs carnets de croquis par des notes complémentaires.
Sixième thème : Peindre, dessiner
Le calotype est un procédé nouveau mais pratiqué d'emblée par une élite férue de tradition picturale. Les calotypistes entretiennent des relations très étroites avec les beaux-arts. Beaucoup d'entre eux comme Le Gray, Nègre, Baldus, Le Secq, Giroux sont d'abord peintres, les Varin, Vallou de Villeneuve sont graveurs. Beaucoup encore sont collectionneurs, très liés à des cercles d'artistes comme les Cuvelier proches de Corot ou Durieu ami de Delacroix. De nombreux portraits et autoportraits d'une liberté de pose contrastant fortement avec la photographie commerciale contemporaine, évoquent la figure de l'artiste, son entourage, sa famille.
Cette nouvelle photographie, sur papier, contrairement au daguerréotype, plaque de métal miroitante, a la texture, le format, les teintes de la gravure et du dessin. Les jeunes artistes qui ajoutent le calotype à leur panoplie, apprécient ses qualités esthétiques : la finesse des demi-teintes, la force des contrastes d'ombre et de lumière, la riche palette des tirages. Les sujets : vues de la forêt de Fontainebleau, études de nus en atelier, natures mortes, scènes de genre, portraits, s'apparentent à des études sur le motif, des dessins, des esquisses préparatoires voire des oeuvres abouties. Certains calorypistes comme Vallou de Villeneuve ou Cuvelier se font une spécialité de fournir des photographies aux peintres comme documentation.
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